Pourquoi cette loi ?

Ces dernières années, une prise de conscience s’est opérée concernant les conséquences de la corruption dans le monde des affaires mais aussi sur les populations (des fonds qui n’arrivent pas, des produits de faible qualité qui peuvent s’avérer dangereux pour leur santé ou leur sécurité). La corruption entraîne le déséquilibre dans les relations professionnelles des grandes entités tant au niveau international qu’international.

Plusieurs pays ont fait évoluer leur arsenal législatif pour lutter contre ce fléau. Citons par exemple le « Foreign Corrupt Practices Act » aux USA, ou en Grande-Bretagne avec le « Bribery Act ». La France a fait évoluer en ce sens sa législation en promulguant la loi Sapin II en 2016 afin de s’aligner sur les standards internationaux en matière de lutte contre la corruption.

L’article 17 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« loi Sapin II ») prévoit que l’instance dirigeante est tenue de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter, en France ou à l’étranger, les faits de corruption ou de trafic d’influence.

Albert-loi-sapin-article

A qui s’adresse la loi Sapin II ?

1. Les sociétés françaises et filiales étrangères de sociétés françaises

2. Les entreprises employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.

Quelles sont les obligations des dirigeants d’entreprise ?

1. Mettre en place un code de conduite (en listant les comportements proscrits car pouvant être caractérisés comme des faits de corruption ou de trafic d’influence) – Figurant dans le règlement intérieur de l’entreprise, chaque nouvel arrivant doit être sensibilisé à cette démarche et les personnels exposés (acheteurs, commerciaux, etc…) doivent être formés. Toute violation au code de conduite devant entraîner des sanctions. Ce document, accessible, doit permettre de donner des outils aux salariés pour les aider à adopter le bon comportement face à des situations diverses.

2. Mettre en place un dispositif d’alerte interne permettant aux employés de signaler tout cas qui soit contraire au code de conduite. Ces « lanceurs d’alerte » doivent être protégés. La loi impose que des mesures très strictes soient mises en place pour assurer la confidentialité des informations remontées.

3. Mettre en place une cartographie des risques (identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition à des sollicitations externes aux fins de corruption). A noter, que, dans le contexte pandémique actuel, il y a un risque croissant de corruption concernant les commandes de produits sanitaires voire des escroqueries sur les médicaments. A cela s’ajoutent les risques de cyber attaques, etc… Vous l’aurez donc compris, cette cartographie de risques doit être évolutive.

4. Des procédures de vérification doivent être mises en place concernant les clients, les fournisseurs et intermédiaires en fonction de plusieurs critères. Par exemple, leur localisation, l’historique de condamnations, l’existence de comptes publiés… Il faut également prévoir un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en place au travers d’audits internes/externes.

5. Mettre en place des procédures de contrôles comptables en vue de déceler d’éventuels faits de corruption ou de trafic d’influence.

Qui contrôle ?

C’est l’agence française anticorruption (AFA) qui effectue un audit dans l’entreprise et établit un rapport. Les entreprises ont 2 mois pour faire valoir leurs observations. Tout est une affaire de preuves. Il faut être prêt, documents à l’appui, à démontrer les démarches réalisées. Cet article ne reviendra pas en détail sur l’éventail des sanctions administratives et pénales à l’attention de ceux qui sont reconnus coupables de corruption, de trafics d’influence, mais cela peut coûter très cher.

Amis acheteurs.ses, comment être vigilant(e)s ?

De par votre fonction, vous êtes autorisés à engager des dépenses, à accorder ou renouveler un contrat auprès d’un fournisseur. Donc, vous êtes exposés : le fournisseur peut vous proposer de vous accorder des contreparties financières ou non (paiement en espèces, voyages-séminaires, sous facturation, remises non justifiées, cadeaux, échanges de données confidentielles…) pour favoriser sa position. Prenons l’exemple d’une invitation d’un fournisseur. Posez-vous les questions suivantes : L’évènement est-il récurrent ? Est-ce qu’il se déroule un week-end ? Est-ce que les activités professionnelles sont minoritaires durant le séjour ? La durée de l’évènement dépasse-t-elle une journée ? L’évènement implique-t-il un déplacement par avion ? Les frais de déplacement (hébergement, restauration) sont-ils pris en charge par le fournisseur ? Existe-t-il un agenda clair ? Si pour l’ensemble de ces questions, vous répondez oui, cela veut dire que le risque de corruption est réel. Toutefois, tout n’est pas noir et blanc. Il convient qu’avant de prendre toute décision, vous ayez consulté votre responsable hiérarchique, voire le compliance manager de votre entreprise. Toute décision devant prendre en considération la politique interne de votre entreprise et être alignée sur le code de conduite.

 

Par Agnès MEHU.

Sources : economie.gouv.fr, dalloz-actualité.fr, entreprendre.fr, transparency-france.org, lemondedudroit.fr, challenges.fr, decisions-achats.fr